LES FETES SAISONNIERES Lughnasad : la Fête du Roi
La fête de Lughnasad, qui se tient entre le 1er et le 4 août, célèbre l’été dans sa pleine maturité.
Lughnasad signifie « assemblée de Lugh », qui est l’un des dieux celtiques majeurs. En Irlande, le mois d’août s’appelle Lùnasa, en son honneur.
Lughnasad est associée au sud, à la lumière solaire, à la récolte au cœur de la période lumineuse de l’année, c’est une fête de communion et de gratitude.
LE DIEU LUG(H)
Lug est une divinité panceltique de première importance, vénérée aussi bien en Gaule (Lug, Lugos, Lugus) qu’en Irlande (Lugh). Son nom pourrait signifier « Le Brillant », il est le dieu lumineux qui resplendit au cœur de l'été.
Sa fête était traditionnellement un grand rassemblement populaire, où se déroulaient banquets, feux de joie, jeux et épreuves sportives.
Le panthéon celtique est très différent de son équivalent gréco-romain, dans lequel chaque dieu possède un dicastère bien défini et se comporte globalement comme un être humain de format XXL, ce qui permet de s’y retrouver sans peine ….
Les dieux celtes par contre ont des fonctions multiples qui échappent à l’étiquetage, et ont pour habitude de se confondre avec des personnages mythiques, tout en gardant leur caractère divin.
A titre d’exemple, l’une de mes divinités préférées, la déesse-cheval galloise Rhiannon (Epona chez les Gaulois) est présentée à la fois comme l’héroïne humaine d’un mythe, jeune femme d’une grande beauté, puis épouse et mère confrontée à de nombreuses épreuves qu’elle traverse avec courage et dignité, mais également comme un être féérique, une cavalière nimbée de lumière que ses prétendants ne peuvent jamais rattraper, à l’exception de celui qu’elle a choisi. Elle est accompagnée par trois oiseaux, qui peuvent apporter la mort ou la guérison, selon les cas. Rhiannon/Epona, en tant que déesse-cheval, est également psychopompe, c’est-à-dire qu’elle emporte les âmes dans l’au-delà.
Les frontières entre ce qui relève du divin, du mythe et de l’humain sont donc très mouvantes, très floues. Plutôt que des « personnages », comme dans la mythologie gréco-romaine, les dieux celtes sont plutôt des constellations de qualités, de fonctions et d’attributs dont certains sont partagés par plusieurs divinités. Chaque dieu, représenté par une de ces constellations, personnifie cependant une énergie supérieure spécifique, correspondant à certaines activités humaines.
Comme Rhiannon et d’autres dieux, Lug appartient simultanément au monde des dieux et à celui des hommes, dans lequel il est à la fois un héros et un roi.
Sur le plan divin, Lug, est un dieu tout-puissant représentant le soleil et les tempêtes, et il est fréquemment accompagné par un sanglier ou par des corbeaux.
Il existe peu d’effigies de Lug datant de la civilisation celtique, mais quelques têtes de statues le représentent avec trois visages, probablement parce que selon le schéma indo-européen classique, Lug est une entité individuelle, le dieu-roi, mais aussi l’un des éléments d’une triade divine.
De manière très schématique, car les distinctions ne sont pas aussi nettes, Lug est le roi qui représente la société tout entière, le Dagda est le dieu-druide et Ogmios le dieu guerrier. Les têtes à trois visages tendent à indiquer que ces trois dieux n’en forment en réalité qu’un seul, le All-Father, comparable à Odin/Wotan dans la mythologie germano-scandinave et à Jupiter/Zeus dans le sud de l’Europe.
Il est appelé Lugh Làhmfada, soit « Lugh à la longue main » en référence à son habileté avec les armes de jet, en particulier la lance, qui est l’un de ses attributs principaux (une référence à la fois solaire et guerrière) mais aussi Lugh Samildanach, qui signifie « habile dans tous les arts», car il est considéré comme le maître des arts et de l’artisanat, le dieu « polytechnicien ».
Jules César a tenté de l’assimiler à Mercure, en raison de son statut de patron des arts et artisanats, mais aussi de protecteur des marchands et des voyageurs. En réalité, il pourrait tout aussi bien être associé à Apollon pour son rôle solaire et ses qualités de barde, de poète et de musicien, ou à Jupiter en tant que dieu majeur, preuve supplémentaire que les Celtes ne découpaient pas le monde des dieux de la même manière que les Grecs et les Romains. Ces superpositions et croisements rendent la mythologie celtique aussi fascinante que foisonnante et déroutante pour nos esprits désormais habitués à fonctionner selon une linéarité très latine.
La fonction solaire de Lug est bien synthétisée par Wikipédia : « Lug joue un rôle essentiel dans le mouvement solaire. Le dieu proclame (…) « être la cause de la levée du soleil et de son coucher ». On sait qu’il intervient également dans le passage de la nuit au jour. Agent de l’Aurore qui amène la lumière et, d’une manière générale la belle saison et la vie, Lug assure la naissance d’une société stable et équilibrée, régie par l’alternance saisonnière ».
Ce dieu était particulièrement vénéré en Gaule, où le nom de nombreux lieux atteste aujourd’hui encore de son culte : Lyon (anciennement Lugdunum), Lausanne, Lugano et bien d’autres en France et en Europe.
Dans la mythologie celtique irlandaise, Lugh est typiquement à la fois un dieu et un héros. En tant que dieu, il appartient aux Tuatha Dé Danann (Gens de la tribu de Dana), ancêtres divins du peuple irlandais. En tant que héros, il est le sujet de nombreux récits mythologiques. Il est entre autres dit que pendant sa jeunesse, Lugh se rendit à Tara dans l’intention de servir à la cour du roi Nuada des Tuatha Dé Danann. Le portier lui fit savoir qu’il ne pourrait entrer qu’à la condition de posséder un talent utile au roi. Lugh entreprit alors d’énumérer ses nombreuses compétences : forgeron, maître d’armes, harpiste, poète, historien, sorcier, et artisan. Le portier l’informa que le roi avait déjà à sa disposition une foule de personnes possédant ces divers talents, mais Lugh lui demanda si une seule d’entre elles les possédait tous à la fois. Le portier réalisa alors le caractère exceptionnel de Lugh et le laissa entrer. Il fut par la suite appelé Lugh Samildanach “habile dans tous les arts.” Le roi Nuada le nomma également Ollam en chef d’Irlande, l’ollam étant un poète et un barde accompli, un maître en histoire et en littérature.
Si on tente (courageusement) de résumer, Lugh est principalement :
un dieu solaire, un dieu-roi protecteur de la société et garant de l’abondance
un dieu guerrier qui participe à la victoire des forces civilisatrices (les Tuatha Dé Danann contre les Fomoriens, créatures primales venues de la mer)
un maître-artisan (les Celtes étaient réputés entre autres pour leur maîtrise du travail du fer)
un barde et un musicien (qualités très prisées chez les Celtes)
LA FETE DE LUGHNASAD
Comme mentionné précédemment, cette fête a lieu entre le 1er et le 4 août, soit entre le solstice d’été et l’équinoxe d’automne. Dans le calendrier celtique, c’est le début de l’automne. Il est intéressant de noter que ces dates correspondent également au calendrier saisonnier chinois, qui, contrairement à notre calendrier actuel, situe les changements de saison au moment des tous premiers signes de passage à une autre qualité d’énergie.
En Irlande, cette fête est également appelée Bron-trogain : la « venue des fruits de la terre », ou la « terre accouchant de ses fruits ». Lugh était en effet le fils adoptif de Tailtiu, une déesse-mère irlandaise dont on disait qu’elle était morte d’épuisement après avoir défriché le pays pour permettre le développement de l’agriculture. Le fait que le sacrifice de cette déesse de la terre soit fêté au moment de Lughnasad confirme bien que le moment de la première récolte correspond à la fin de la croissance : la terre a donné tout ce qu’elle pouvait donner et va progressivement se mettre en repos.
Tailtiu et Lugh, son fils adoptif
Lughnasad est également assimilée à Lammas, fête anglo-saxonne du pain, qu’on appelle aussi « Garland Sunday » en référence aux guirlandes de fleurs qui étaient déposées sur des autels.
LA FETE DE LA PREMIERE MOISSON
Par le passé, la fête de Lughnasad se tenait au moment où les champs étaient prêts à être moissonnés. Pour des raisons géographiques et climatiques, la réalité agricole actuelle de nos régions peut être légèrement différente, mais la signification symbolique ne change pas ….
Dans la tradition celtique, il existe en réalité trois fêtes des moissons :
Lughnasad, la première moisson
Mabon, à l’équinoxe d’automne qui marque le début de la seconde récolte.
Samhain, le 31 octobre, qui indique le point final absolu de la période de croissance et la troisième et dernière moisson.
Les rituels de Lughnasad portent donc principalement sur la récolte des céréales. Dans les pays anglo-saxons on avait pour habitude de récolter rituellement la première gerbe d’épis, appelée « Corn King » ou « John Barleycorn » (voir première image du chapitre), de la lier et de l’exposer pour remercier la terre de sa générosité. Cette gerbe symbolisait l’esprit des céréales, qui poussent grâce à la richesse et à la puissance conjuguées de la terre et du soleil. On fabriquait également des poupées faites de feuilles de maïs ou d’épis de blé.
Des feux de joie étaient allumés, comme lors de la fête de Litha, mais alors que Litha célèbre la force de la croissance, de tout ce qui s’est élevé de la terre grâce au retour du soleil, Lughnasad est la fête des premières récoltes. Il y a dans cette énergie une plénitude, quelque chose de plus lourd, comme l’épi mûr qui fait ployer la tige. Le mouvement de repli et de descente qui a débuté lors du solstice devient visible.
A l’occasion de Lughnasad, des repas communautaires permettent de jouir de tous les produits de l’été : céréales, légumes, fruits et baies.
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La préparation et la cuisson du pain font partie intégrante du rituel en toutes régions
LES HERBES DE LUGHNASAD
Reine des prés
Souci
Toutes les herbes d’été peuvent être cueillies et utilisées à l’occasion de cette fête, mais plus particulièrement :
La reine des prés
Le souci
La lavande
Le thym
Le romarin
Lavande
Thym
Romarin
COMMENT CELEBRER LUGHNASAD
Décorer sa maison avec un bouquet de céréales
Dans nos régions, les premières moissons ont lieu avant le premier août, mais il suffit de récolter des épis de blé, d’avoine, de seigle et/ou d’orge et d’en faire un bouquet qu’on placera en évidence chez soi le jour de Lughnasad. On peut aussi fabriquer un petit personnage avec des feuilles de maïs ou des épis de blé, qu’on gardera jusqu’à l’été suivant pour assurer la prospérité de la maisonnée.
Cuire du pain
On peut se lancer dans la cuisson d’un pain, ou acheter un pain spécial chez son boulanger, et le manger non comme un accompagnement, mais avec respect et attention, en tant que symbole de la richesse des céréales qui ont maintenu nos ancêtres en vie pendant des siècles.
Préparer un beau repas d’été
Comme à Litha, préparer un beau repas d’été, avec une abondance de céréales, légumes et fruits, et le partager …..
Les anciennes fêtes de Lughnasad se caractérisaient par des jeux, de grandes épreuves sportives …. On peut en organiser, à petite échelle, avec la famille ou des amis ….
Profiter de la lumière et de la chaleur
S’exposer à la lumière et à la chaleur, avec la conscience du mouvement de repli qui s’est amorcé au moment du solstice. Laisser entrer en soi cette énergie de fin d’été, avec gratitude, comme une réserve pour mieux traverser la saison sombre qui s’avance.
Lughnasad est la « fête du roi », c’est-à-dire celle de l’été, des valeurs yang, masculines et structurantes liées aux dieux All-Fathers mentionnés plus haut, qui symbolisent toujours la victoire d’une forme d’organisation de la conscience et de la société face aux forces primales du chaos. C’est cette structure sociale qui permet l’avènement des sociétés agraires sédentarisées, et donc les récoltes célébrées lors des fêtes telles que Lughnasad/Lammas et plus tard Mabon, lors de l’équinoxe d’automne. Dans le cas des fêtes celtes ces qualités célestes et solaires sont profondément reliées à la puissance et à la générosité de la terre : Lugh ne peut être célébré qu’en relation avec Tailtiu, sa mère adoptive, la terre qui donne sans compter.
Dans la roue des saisons, lors de Lughnasad ces valeurs solaires brillent de leurs derniers feux et sont célébrées avec joie et reconnaissance. Cette période correspond également à une activité intense, à un travail très dur … avant les machines, les moissons représentaient un labeur très pénible engageant toute la société jusqu’aux enfants. Toutes les récoltes demandaient de gros efforts : cueillir, transporter, stocker … on comprend que les fêtes et les banquets étaient largement mérités !
Cela doit nous rappeler que, dans l’ordre naturel des choses, l’été est propice à l’activité… Selon la médecine chinoise, à la belle saison l’énergie afflue en surface, elle est abondante et facilement disponible. On se lève tôt et on se couche (relativement) tard, et ces longues journées sont mises à profit pour récolter les fruits de la terre, qui seront ensuite conservés pour nourrir l’énergie de l’hiver.
Or depuis la révolution industrielle nous faisons le contraire … nous tentons de nous reposer en été de toute la fatigue causée par l’excès d’activité déployé en hiver, en ignorant les besoins fondamentaux de notre organisme, qui sont, comme dans la nature qui nous entoure, l’activité en été et le repos en hiver.
Lughnasad peut être l’occasion d’y prêter davantage attention, de prendre conscience de la plénitude d’énergie encore disponible et d’en profiter avant d’entamer autant que possible un lent processus de freinage pour que tout ce qui est recueilli maintenant soit utilisé avec sagesse et parcimonie pendant la partie la plus profonde de la saison sombre. Si l’énergie engrangée à partir de Lughnasad est protégée, économisée et régénérée pendant l’hiver, elle pourra se déployer à nouveau sans effort au printemps …