LES FETES SAISONNIERES Litha la fête du solstice d’été
Dans les traditions celtiques et nordiques, l'année est scandée par huit fêtes saisonnières. Dans les pratiques de la Wicca (courants néo-paganistes), ces fêtes sont qualifiées de "sabbats" ce qui selon moi n'a pas beaucoup de sens, car "sabbat" vient de l'hébreu "shabbat", et désigne le jour de repos hebdomadaire de la religion juive. Par ailleurs ce terme en est venu à signifier, par des chemins tortueux mais historiquement compréhensibles, une assemblée nocturne de sorcières. Les fêtes saisonnières ne sont évidemment ni l'un ni l'autre.
Quatre fêtes dites “mineures” correspondent aux solstices et aux équinoxes, il s’agit de Yule (20-23-decembre), Ostara (20-23 mars), Litha (21-24 juin) et Mabon (20-23 septembre).
Les quatre fêtes "majeures" quant à elles sont Lugnasad (ou Lammas dans le monde anglo-saxon) (1er-4 août), Samain (31 octobre-1er novembre), Imbolc (1er-2 février) et Beltaine (30 avril-1er mai).
Ces fêtes ont toutes lieu à une période précise de l'année, car elles correspondaient à un ou plusieurs évènements importants dans la vie des « païens » qui, comme leur nom l’indique, travaillaient la terre. Elles marquaient le passage du temps et le déroulement des cycles immuables de la nature.
En les passant en revue, nous pouvons réaliser à quel point notre conscience du déroulement des saisons est superficielle : il fait plus froid ou plus chaud, il y a plus ou moins de lumière et la végétation est plus ou moins verte. Notre vie n'est pas beaucoup plus difficile en hiver, notre survie ne dépend pas de la qualité des moissons dans la campagne environnante, et on ne prie plus depuis longtemps pour la fécondité des champs, des animaux et des humains ... L'Europe ne connaît plus de famines, mais un lien s'est perdu ... nous vivons comme en apesanteur dans un monde réglé par des horaires de bureau, approvisionné par des supermarchés, où l'on se repose en été alors qu'on s'agite en hiver, et où la nature - si elle est présente- est une sorte de décor dans lequel la plupart des gens se déplacent ou se défoulent sans aucun souvenir de la connexion profonde qui existait entre le monde naturel et les humains. Cette dissociation est telle que nous avons de la peine à nous concevoir pleinement comme un élément du monde naturel, au même titre que tous les autres. La tradition judéo-chrétienne, qui place l'humain au sommet de la création, a peu à peu creusé ce fossé: il y a l'humanité, et tout autour la nature, destinée à lui fournir tout ce dont elle a besoin, sans plus aucune notion de respect ni d’échange.
Redécouvrir les fêtes saisonnières et leur signification profonde est une manière joyeuse, lumineuse, de commencer à recréer ce lien. Même si dans le passé il s'agissait toujours d'évènements collectifs, de fêtes villageoises qui réunissaient une communauté, ces célébrations peuvent aussi se faire en petits groupes, ou même individuellement... en instaurant des rituels simples, et une petite pause, juste le temps prendre pleinement conscience de ce qui se passe autour de nous à certains moments de l'année et d'y participer, d'en faire à nouveau partie.
Huit fois par an, nous pouvons nous arrêter et nous re-planter entre terre et ciel, nous rappeler que nous faisons partie de cet immense mouvement qui fait verdir les feuilles ou tomber la neige, nous laisser consciemment habiter par ces énergies puissantes, ascendantes, descendantes, lentes ou rapides, suivre le flux …. Nous pouvons le faire assis sur un coussin de méditation, devant un petit autel sur lequel nous déposons quelques objets ou éléments naturels évoquant la saison qui commence, ou encore en marchant dehors avec tous nos sens en éveil.
Tout au long de cette année, de petits articles vont évoquer chacune de ces fêtes, en commençant par Litha, la fête du solstice d’été…..
LITHA, la Fête du Soleil
Litha est la quatrième fête de l’année, au moment du solstice d’été, entre le 21 et le 24 juin, elle correspond à la célébration du soleil triomphant. La croissance et la lumière sont au sommet de leur puissance, et dans toutes les traditions du centre et du nord de l’Europe les fêtes du solstice d’été expriment la gratitude et la joie, notamment par des feux qui illuminent cette nuit si particulière. On parle aussi, selon les régions de la Mi-Eté, de Midsommer ou de la Saint-Jean.
L’importance rituelle des solstices apparaît déjà dans un passé très lointain, parmi les populations qui ont créé les sites mégalithiques dans différentes régions d’Europe.
Dans tous ces lieux, la position des pierres donne lieu à un évènement particulier au moment des solstices, particulièrement lors du solstice d’été. On ignore le sens des célébrations qui avaient lieu dans ces cercles de pierre, mais il s’agit certainement d’une forme d’”alignement” avec le soleil et le cosmos.
Litha et le feu
En Irlande, des grandes roues de paille enflammées étaient lâchées depuis le sommet des collines pour symboliser le mouvement du soleil. Dans les Pyrénées, les habitants de différents villages descendent des montagnes avec des torches pour aller embraser des bûchers. Pour les jeunes, cette descente aux flambeaux symbolise le passage de l’adolescence à l’âge adulte, et à certains endroits c’est l’homme le plus récemment marié qui guide le cortège et allume le feu, alors que les jeunes filles célibataires attendent les porteurs de torches avec du vin et de la nourriture.
Plusieurs traditions incluent des danses autour du feu et des concours de saut au-dessus des flammes. Par ailleurs, les cendres sont souvent conservées et répandues dans les champs pour en assurer la fertilité. Suivant les régions, ces feux étaient allumés sur les places publiques, à la croisée de chemins ou sur les hauteurs, comme en Autriche.
Selon Monique Wehr, (Nouvelle Acropole) « Le bûcher est l’un des éléments les plus importants de la célébration du site du solstice d’été. Le feu est la célébration et un hymne sacré aux forces solaires. Lorsqu’il monte vers les cieux, il représente la victoire solaire, et les flammes du bûcher qui diminuent symbolisent la phase descendante, l’énergie du soleil qui faiblit jusqu’au solstice d’hiver et le retour vers la terre. (…). Le bûcher de la Saint-Jean n’est pas sans rappeler le tronc du sapin de Noël, qui est intégré au bûcher et symbolise l’axe du monde qui soutient la lumière et le feu. Au sommet de cet axe on plaçait un symbole solaire (swastika ou roue solaire). Le symbole solaire qui brûle durant la cérémonie ne symbolise pas sa destruction, mais sa fusion avec les forces ouraniennes, une expression de l’harmonie absolue avec les puissances célestes ».
Cette auteure mentionne également que dans certains traditions les participants à la fête du solstice s’approchent du bûcher en quatre colonnes orientées selon les points cardinaux et conduites par des porteurs de flamme, qui allument le feu à tour de rôle en prononçant une phrase rituelle comme « Je viens du Sud et j’apporte la victoire », « Je viens de l’Ouest et j’apporte le souvenir des ancêtres », « Je viens du Nord et j’apporte la renaissance », « Je viens de l’Est et j’apporte l’abondance ».
Litha et l’eau
Etant donné que la fête du solstice célèbre la croissance et la fertilité, l’élément Eau ne peut en être absent, et des rituels de purification sont également accomplis par des femmes qui se baignent dans les rivières et déposent de petites lanternes sur l’eau pour que le courant les emporte, symbolisant l’union du Feu et de l’Eau.
Litha et les plantes
Un autre des rituels du solstice d’été accompli par les femmes consiste à cueillir les plantes médicinales, et à tresser des couronnes de fleurs et de feuilles.
En Suède, la fête de Midsommar est encore très populaire, on danse pieds nus dans l’herbe, les jeunes filles portent des robes blanches et des couronnes de fleurs et on élève des mâts auxquels sont suspendues de grandes couronnes végétales et des rubans colorés.
Le crépuscule ou l’aube du solstice sont évidemment le meilleur moment pour récolter les plantes médicinales, qui sont alors au sommet de leur énergie bénéfique.
Les « Sept plantes sacrées de la Saint-Jean » (mais il y a des variantes) sont :
Le millepertuis
La sauge
L’armoise commune
Le lierre terrestre
La marguerite sauvage
L’achillée millefeuille
La joubarbe
Millepertuis
Sauge
Armoise
Lierre terrestre
Marguerite
Achillée
Joubarbe
Le Roi Houx et le Roi Chêne
Litha est la fête solaire par excellence, le point culminant de l’année en termes d’énergie et de croissance … mais, comme on le sait, tout ce qui monte doit redescendre, et le solstice d’été, malgré les mois de chaleur et de lumière qui le suivent, est tout de même le début du mouvement descendant qui atteindra sa profondeur maximale lors du solstice d’hiver.
Avant même la subdivision en 8 périodes, les Celtes avaient partagé l’année en deux : la saison claire et la saison sombre. La saison claire commençait au solstice d’hiver, et la saison sombre au solstice d’été. Si cela évoque quelque chose pour les personnes qui ont étudié le taoïsme et/ou la médecine chinoise, c’est parfaitement justifié
La tradition celtique possède un mythe pour illustrer ce passage, celui du Roi Houx et du Roi Chêne. Selon les récits, il s’agit de deux frères ou des deux aspects d’une même entité (parfois identifiée comme Cernunnos, le dieu aux cornes de cerf protecteur de la nature sauvage). On parle souvent du « combat » entre ces deux rois au moment des solstices, mais il s’agit plutôt d’une passation de pouvoir… Le règne du roi Chêne commence au solstice d’hiver, et c’est lui qui va assurer la croissance du vivant, depuis l’état végétatif de la graine jusqu’à la floraison vigoureuse, et au moment du solstice d’été, le Roi Houx reprend la main pour assurer le lent retour vers la profondeur et le processus de régénération.
Le symbole du chêne est évidemment la croissance, l’élévation vers la lumière, la force et la vitalité. Le houx de son côté est un puissant symbole de protection, grâce à ses épines et à ses feuilles lisses et dures. Il reste vert tout l’hiver et porte des fruits rouges, ce qui exprime la pérennité de la vie même pendant la saison sombre. Il est d’ailleurs plus que probable que le Roi Houx soit à l’origine de Saint-Nicolas, fêté à l’époque du solstice d’hiver.
Les règnes du Roi Chêne et du Roi Houx s’alternent éternellement, avec la même puissance, en faisant tourner la roue de l’année et des saisons.
Comment célébrer Litha ?
Si le jour du solstice d’été est un jour de beau temps, assister au lever du soleil est une belle façon de l’honorer, et de se placer, en termes orientaux, à la pointe du Yang dans le Yang …
On peut faire un bouquet de fleurs sauvages, cueillir des plantes médicinales ou aromatiques pour les faire sécher et conserver ainsi leurs vertus tout au long de l’année.
La préparation de repas colorés comprenant des céréales, des légumes, des fruits, du miel, est une autre façon de rendre grâce à la terre pour tout ce qu’elle nous donne à la belle saison
Si on a un petit autel, on peut allumer à la nuit tombée une bougie jaune, et réunir des objets qui évoquent le solstice : une roue solaire fabriquée avec des herbes ou des rameaux, des pierres jaunes ou orangées, des baies ou des cerises, tout ce qui pour vous évoque ce moment de l’année.
Et si on peut faire un feu en extérieur et s’asseoir autour avec des amis en mangeant le repas coloré, c’est encore mieux….
Au-delà des aspects folkloriques (dans le bon sens du terme !) que savons-nous de la joie que ressentaient les paysans à cette période de l’année ?
Pour nous, qui sommes très privilégiés, l’abondance et la lumière sont un facteur constant, et nous n’avons rien à craindre de la saison sombre, alors que pour nos ancêtres l’arrivée de la belle saison signifiait un répit et un allègement du corps, qui n’était plus constamment agressé par le froid et l’humidité, ni engoncé dans des vêtements lourds et rêches. L’hiver était le moment où il fallait vivre avec moins : moins de lumière, moins de nourriture, moins de mouvement. La vie était lente, dure, refermée par besoin de protection.
Après des mois de restriction, la fin du printemps et le début de l’été permettaient un nouveau mouvement d’expansion, à la fois physique et émotionnel, puisqu’à cette période les enjeux de survie -en tous cas ceux qui dépendaient de l’approvisionnement en nourriture- n’étaient plus d’actualité. On peut imaginer à quel point cette sensation d’allègement devait être jubilatoire et se traduire par de véritables feux de joie …..
Assez logiquement, ces fêtes du solstice se tiennent principalement en Europe centrale et en Europe du nord, car dans le sud l’arrivée des grandes chaleurs solaires n’est pas forcément perçue comme une bénédiction …
Il est d’ailleurs intéressant de noter que dans la mythologie germano-scandinave, le soleil et la lune sont personnifiés par des jumeaux : Sòl est une jeune femme qui traverse le ciel sur son chariot de feu, alors que son frère, Mani, illumine la nuit de sa lumière argentée. Cette inversion du genre communément admis du soleil et de la lune survit dans la langue allemande : “die Sonne” et “der Mond”, et la raison repose peut-être sur le rapport des peuples nordiques avec le soleil, qui évoque davantage la douceur de vivre en Scandinavie que dans le Sahara …
Personne n’aimerait réellement revenir à ce mode de vie, mais la leçon qui s’imposait à l’époque de manière impitoyable ne devrait pas être oubliée : toute expansion a une fin, toute activité atteint son point culminant, à un moment ou à un autre, et le repli qui s’amorce alors est, contrairement à ce que l’on peut ressentir spontanément, un cadeau. Le Roi Houx va faire en sorte que toute l’énergie déployée soit progressivement préservée, qu’elle se rassemble, se regroupe, se concentre pour pouvoir se régénérer paisiblement dans la profondeur jusqu’à ce que le Roi Chêne vienne doucement l’inviter à reprendre sa croissance.
Litha est donc la fête du soleil triomphant, mais aussi celle de l’accueil de l’obscurité qui reprend doucement sa place…
Au quotidien, cette fête devrait nous aider à mieux percevoir les moments où notre solstice d’été symbolique est atteint, les moments où notre Yang, notre système sympathique , ont atteint leur maximum et où il faut laisser notre extraordinaire organisme appuyer de lui-même (mais encore faut-il le laisser faire !!!) sur la pédale du frein, pour que le Yin, le système parasympathique puissent mettre en route les processus de récupération et de régénération indispensables à notre équilibre.
Litha est la fête de la gratitude pour la lumière et la chaleur, mais aussi pour la certitude que toute l’énergie qui se déploie au moment du solstice d’été pourra ensuite se régénérer jusqu’à Yule, au solstice d’hiver, afin de renaître encore …
Note :
Vous avez peut-être aimé les petites statuettes de terre cuite qui apparaissent dans cet article (les rois Houx & Chêne) et dans le texte de la rubrique « A propos » (Elin des Sentiers). Elles sont créées par Nelia, une jeune artiste ukaïnienne qui les vend sur Etsy (Boutique GodGoddessArt) avec quantité d’autres représentations des divinités de diverses mythologies. Je lui fais volontiers cette publicité gratuite, car elle est aussi talentueuse qu’adorable.